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Les performances de l'agroforesterie malgré les évolutions climatiques

Photo du rédacteur: Phacelia Marlène VissacPhacelia Marlène Vissac

Depuis 2016, un point de bascule a été franchi. Ce que nous avons connu précédemment ne sera plus. Le climat est devenu un inconnu qui impose des paramètres que nous devons décortiqué et appréhender pour la première fois et ce sans exemple. L'heure est à l'initiative et l'innovation. Malgré ces inconnus, les arbres sont des alliés puissants, solides dans les adaptations aux changements climatiques. Les performances de l'agrofresterie ont fait leur preuve, si il fallait encore en donner. En voici un tour d'horizon complet.

L'agroforesterie a de multiples formes suivant les territoires et leurs histoires

État des forêts françaises où la dette climatique se creuse

Les sécheresses de 2022 ont particulièrement affecté la forêt : à la sécheresse du printemps et de l'hiver ont succédé canicule et incendies de l’été, qui ont affecté plus de 70 000 hectares. L’IGN, vigie de la forêt et cartographe de l'anthropocène, publie chaque année les résultats de l’Inventaire forestier national (IFN). Pour 2022, cet état des lieux de la forêt française révèle notamment un accroissement de 54 % de la mortalité sur la dernière décennie, malgré une superficie de forêts qui continue de progresser et une diversité des peuplements qui s'accroît.


Dans les forêts françaises, de nombreuses espèces animales et végétales ne migrent pas suffisamment vers le nord pour pouvoir s’adapter au réchauffement climatique. Un phénomène inquiétant, baptisé «dette climatique». En vingt ans, le réchauffement climatique a induit une augmentation de 1 °C des températures en France. Pour survivre, certaines espèces animales et végétales doivent migrer vers le nord et les sommets plus froids pour y trouver des températures qui leur conviennent mieux. À terme, cette dette climatique peut conduire à l’extinction, locale puis globale, des espèces qui n’auront pu suivre vers le nord le déplacement des conditions climatiques qui leur sont favorables. D’où l’importance de stopper ce phénomène, ou du moins de le freiner. Et, de comprendre les processus l’induisant.

« Pour réduire la dette climatique dans ces zones, il faudrait une arrivée d’espèces adaptées à des températures encore plus chaudes, venant par exemple d’Espagne ou d’Afrique du Nord. Or une telle migration est limitée par des barrières géographiques (montagne, mer) et la grande distance entre les forêts du sud de la France et celles des pays voisins plus chauds », développe le biologiste Romain Bertrand.

Quid des corridors écologiques insuffisants pour franchir les infrastructures humaines de plus en plus biocide. Point très important : alors que jusque-là plusieurs études avaient suggéré une migration rapide des espèces vers le nord, les chercheurs ont observé qu’en fait les plantes herbacées forestières persistent plus qu’elles ne migrent. En revanche, à terme, cette qualité pourrait devenir très problématique. Car, avec l’accélération du réchauffement prévue d’ici à 2100 (+ 1,6 à 4,9 °C entre 2091-2100 contre + 1 °C ces vingt dernières années), cette persistance risque de ne plus suffire pour contrebalancer la hausse des températures… Conséquences, les espèces qui résistent actuellement risquent de disparaître purement et simplement. Certaines pratiques peuvent induire des pressions supplémentaires sur la végétation, contribuant ainsi à accroître la dette climatique. Parmi celles-ci : l’ouverture du couvert forestier sous l’effet de coupes et la fréquentation des forêts par l’homme.

Les trames vertes sont les corridors écologiques des végétaux qui ont tant de mal à se déplacer malgré les enjeux climatiques
Synthèse des enjeux de continuité écologiques régionales - Inventaire nationale du patrimoine naturel
Une augmentation de 54 % de la mortalité des arbres en une décennie

Elle est liée à la récurrence d’épisodes de sécheresse et de conditions climatiques à la fois difficiles pour les arbres, et propices aux insectes xylophages, notamment les scolytes.


En France métropolitaine, la mortalité́ annuelle s’élève en moyenne à 11,4 millions de mètres cubes (Mm3/an) sur la période 2012-2020, soit 0,7 m3/ha/an. Au niveau national, rapportée au volume total de bois vivant, cette mortalité en représente 0,4 %.


Les forêts des régions Grand Est et Bourgogne-Franche Comté sont les plus touchées par la surmortalité sur la période observée, les moins impactées étant les régions du sud. Les essences d’arbres les plus affectées par une surmortalité sont le châtaignier, l’épicéa commun et le frêne.

Ainsi, sur la période récente, la croissance des arbres est plus faible tandis que prélèvements et mortalité sont en augmentation. Aujourd’hui, le bilan entre la croissance des arbres (5,5 m3/ha/an), la mortalité naturelle des arbres (0,7 m3/ha/an) et les prélèvements de bois par l’Homme (3,2 m3/ha/an) se traduit par une augmentation du volume de la forêt de 1,6 m3/ha/an, soit 25,4 Mm3/an au niveau national. Sur la période 2005-2013, ce bilan était de 2,5 m3/ha/an, soit 41,7 Mm3/an pour la France métropolitaine.


Une augmentation en continu de la superficie forestière métropolitaine

La surface de la forêt augmente, atteignant 17,1 millions d’hectares en 2021, soit une extension de 21 % depuis 1985. Une tendance constante depuis plus d’un siècle : en 1908, la forêt couvrait 19 % du territoire métropolitain, avec près de 10 millions d’hectares. Elle en couvre plus de 31 % aujourd’hui. Le volume total de bois en forêt s’accroit également de 50 % en 30 ans, atteignant 2,8 milliards de mètres cubes.


Malheureusement, les boisements s'éloignent de plus en plus des exploitations agricoles dont les taux d'évapotranspiration augmentent dangereusement et des villes qui ont besoin de fraîcheur pour limiter les montées en températures de l'atmosphère. Pour preuve, les cinq départements qui ont un taux de boisement inferieur à 10 % sont les plus gros exploitants de la terre : la Manche, la Vendée, la Mayenne, le Pas-de-Calais et les Deux-Sèvres. Et les quatre départements qui ont un taux de boisement supérieur à 60 % sont les départements où l'activité agricole s'efface tant les conditions de culture sont devenues non propice : la Corse du Sud, les Alpes-Maritimes, le Var et les Alpes de Haute-Provence.


Une tendance à l’augmentation de la diversité des peuplements de la forêt française

47 % de la forêt française sont constitués de peuplements pour lesquels une essence d’arbre occupe plus de 75 % du couvert dans l’étage dominant, ils sont appelés «monospécifiques» (51 % en 2017). Les peuplements à deux essences représentent un tiers des peuplements, et ceux à plus de deux essences en représentent 19 %.

La forêt compte une majorité de feuillus (67 % de la superficie forestière, soit 10 millions d’hectares), essentiellement dans les plaines ou à moyenne altitude. Les conifères sont situés en zone montagneuse, dans le massif landais et dans les plantations récentes de l’ouest de la France. Des peuplements mixtes se rencontrent souvent en moyenne montagne ou dans les massifs forestiers accueillant les deux autres types de peuplements (Sologne, Dordogne, Bretagne).


Au niveau régional, les forêts du nord-est de la France et du Massif central sont les plus diversifiées. À l’opposé, le massif landais est un grand massif de peuplements en pin maritime.


Dans un contexte de mutation accélérée des écosystèmes forestiers et à l’heure de la transition écologique et énergétique, le suivi des forêts avec l’inventaire forestier national est essentiel, pour identifier et comprendre les mécanismes mis en oeuvre naturellement pour résister au déficit hydrique de plus en plus fort. Les agrosystèmes ont tout intérêt à s'inspirer des essences qui s'installent durablement et résistent pour les implanter à l'intérieur des parcelles de production. Les performances agroforestières sont des plus prometteuses.


Les performances de l'agroforesterie

Cette étude est le résultat d’un immense travail de synthèse réalisé par une équipe franco-néerlandaise : une compilation de 95 méta-analyses, 5 156 études et 54 554 expérimentations réparties sur 85 ans, plus de 120 types de cultures et 85 pays.


L'étude porte notamment sur les effets de la diversification des cultures qui entraîne une hausse de la production de 14 % et de près d’un quart de la biodiversité associée. La qualité de l’eau s'en retrouve améliorée de 50 %, la lutte contre les ravageurs et maladies de plus de 63 % et la qualité des sols de 11 %. Les auteurs, des scientifiques du Cirad, d’INRAE et de l’Université libre d’Amsterdam, différencient les stratégies de diversification mises en œuvre et soulignent les belles performances de l’agroforesterie.


L’article, paru le 18 juillet 2021 dans Global Change Biology, rassemble pour la première fois un nombre conséquent de preuves empiriques des effets positifs de la biodiversité cultivée sur les agroécosystèmes.

« Jusqu’ici, la plupart des études étaient dispersées. Avec ce travail, nous synthétisons les impacts quantifiés de plus de 5 000 expérimentations de terrain, effectuées dans le monde entier, de 1936 à aujourd’hui. » Damien Beillouin, chercheur au Cirad spécialisé en analyse de données agronomiques

Les scientifiques détaillent les effets de cinq grandes pratiques de diversification des systèmes de culture, en fonction de la diversification dans l’espace et le temps, à savoir :

  • L’agroforesterie : qui consiste à inclure dans les systèmes de culture ou d’élevage une végétation ligneuse, tels que des arbres ou des arbustes.

  • Les cultures associées : qui consistent à cultiver plusieurs espèces différentes dans le même champ. Parmi quelques exemples, on trouve les cultures en relais (semis sous couvert de la culture précédente), les cultures en bandes (des bandes d’une culture et de l’autre alternent dans une même parcelle).

  • Les mélanges variétaux : lorsque plusieurs variétés de la même espèce sont cultivées en même temps dans une même parcelle.

  • La rotation des cultures : soit un enchaînement récurrent d’une diversité de cultures sélectionnées, cultivées sur un même champ selon un cycle de temps prédéfini (succession régulière de cultures).

  • Les cultures de couvertures (ou « couvertures végétales ») : qui visent à cultiver des plantes à des fins agronomiques et environnementales (par exemple, limiter les pertes en nitrates) en complément d’une culture principale, comme les cultures intermédiaires, ou les bordures entourant les parcelles cultivées.


En réalisant une analyse statistique de l’ensemble des données expérimentales disponibles, les chercheurs montrent que ces stratégies de diversification conduisent une hausse de :

  • 24 % de la biodiversité associée – soit la biodiversité non cultivée qui évolue au sein d’un agroécosystème.

  • 14 % de production agricole,

  • 51 % de la régulation de la qualité de l’eau

  • 11% de la régulation de la qualité du sol

  • 63% du contrôle des ravageurs et des maladies


Certaines pratiques de diversification des systèmes de culture sont plus efficaces que d’autres : l’agroforesterie surpasse les autres stratégies pour :

  • la production + 35 %

  • la qualité du sol + 19 %, contre + 11 % pour les cultures associées

  • le contrôle des ravageurs et des maladies sont en revanche obtenus par les systèmes sous couverture végétale (+ 125 %), suivis par les cultures associées (+ 66 %) et l’agroforesterie (+ 59 %).

Les performances de l'agroforesterie en quelques chiffres après 85 ans d'études empiriques
Les performances de l'agroforesterie - CIRAD

Les performances de l’agroforesterie varient selon les pratiques considérées : de + 84 % pour l’introduction de haies à + 40 % pour les systèmes de cultures pérennes sous ombrage. Les haies sont donc à inviter durablement dans les outils de production et non plus aux abords.


« Les stratégies agroforestières sont aussi celles qui participent le plus au stockage de carbone dans les sols, et donc à l’atténuation du changement climatique. La teneur en carbone du sol est de 19 % supérieure en moyenne dans les systèmes en agroforesterie par rapport aux parcelles en conditions similaires, mais sans arbres. Les cultures associées et les systèmes sous couverture végétale ne sont cependant pas en reste, avec une hausse de 13 %. » Souligne Damien Beillouin

Retrouvez le guide de l'agroforesterie pour implanter l'arbre dans vos ferme en toute autonomie


 

RÉFÉRENCES :

CNRS le journal


IGN


Synthèse des enjeux de continuité écologiques régionales


CIRAD

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